Transat retour
Petit récit de Transat retour
Lundi 1er Juin
Le jour fixé pour le départ a bien fini par arriver. C'est avec un bateau au ventre plein d'eau, de gasoil, d'essence et de vivres pour plus d'un mois que nous larguons les amarres en cette fin de matinée. Direction l'îlet Gosier où nous allons mouiller pour nous amariner un peu avant le grand départ. Les rituels du mouillage nous reviennent vite, vérification de l'ancre en plongée, douches solaires sur le pont, économie d'eau et d'éclairage, maintenant nous sommes en autonomie totale. Dernières baignades du bateau, de la plage, tout est dernière fois depuis quelques jours et ce n'est pas avec la même joie que d'habitude que nous profitons de ce dernier mouillage.
Mercredi 3 Juin
On lève l'ancre au milieu de la matinée. Nous profitons d'une bonne météo, un flux d'alizé modéré de sud-est, le temps idéal pour partir. Nous tirons quelques bords en direction de Marie Galante, puis la côte défile sur bâbord, St Félix, Petit Havre, Ste Anne, St François (croisant près de la maison de Fanfan, par téléphone nous profitons pour lui dire un dernier "au revoir", son accueil a été très chaleureux et c'est à regrets que nous le quittons). En fin d'après midi nous passons entre la pointe des Châteaux et La Désirade. Sous le vent de l'île la mer est plate et nous nous éloignons vite. A la tombée de la nuit La Désirade n'est plus qu'un point sur l'horizon, au revoir Les Antilles, nous sommes maintenant seuls en mer, avec devant nous un océan à traverser, 2200 milles jusqu'à Horta.
Ces premiers jours de traversée passent vite, nous avançons bien, il fait beau et chaud. Nous sommes suivis par un groupe d'oiseaux. Ils se posent chacun leur tour tout près du tableau arrière ou près du bordé, et chose étrange, ils plongent alors leur tête sous l'eau comme pour attraper quelque chose d'invisible pour nous. Quand le bateau s'éloigne un peu, ils s'envolent pour nous rejoindre d'un battement d'ailes. Quand nous leur donnons des poissons volants c'est la fête, ils se dandinent sur l'eau pour nous rattraper. Ils disparaissent le soir et nous les voyons revenir le lendemain matin, cependant au fil des jours ils sont de moins en moins nombreux. Une fois franchi le Tropique du Cancer, ils disparaissent, sans doute la limite à leur territoire. Nous ressentons aussi ce changement de latitude car désormais les nuits sont plus fraîches.
Le vent tombe de plus en plus, nous croisons plusieurs cargos, sur les ondes nous entendons la radio cubaine.
Au 9ème jour de traversée c'est le calme plat, une mer d'huile nous entoure. Ca y est nous y sommes dans la zone des calmes, les fameuses "Horses Latitudes"(là où jadis les chevaux étaient abandonnés par-dessus bord faute de provision suffisante en eau, et aujourd'hui là où les chevaux mécaniques s'imposent au manque de vent). Nous nous y attendions un peu avec notre choix de cette route orthodromique (route directe, plus confortable et plus calme pour nous) ils étaient inévitables, c'est pourquoi nous avions prévu une bonne quantité de gasoil. Mais avant de démarrer le moteur, nous nous offrons une baignade, en plein océan. Sensation bizarre de se baigner dans cette eau à 27.5 °C d'un bleu profond, par près de 5000 m de fond. Nous en profitons pour une inspection coque, safran, hélice, dérive, ainsi que photos du bateau. Ensuite nous alternons avec marche au moteur quand le vent est nul et voile dès qu'il y a un souffle d'air. Nous sommes surpris et tristes de croiser de nombreuses "choses" facilement repérables sur cette mer plate: aussières de cargo, sacs plastiques, bidons, bouteilles, fûts entre deux eaux, bouées de casiers, chaussures... Il est dur de changer les habitudes et de faire comprendre à tous les marins, pêcheurs et plaisanciers l'importance d'un petit geste "par-dessus bord" ou "dans sa poche" pour la sauvegarde de notre univers qu'est la mer.
Au 11ème jour de traversée (comme à l'aller mais on ne l'a pas fait exprès) c'est dîner à la crêperie de l'océan, nous nous régalons de galettes et crêpes qui sont dans ce cas meilleures que d'habitude.
Le soir, quand il n'y a pas de vent nous stoppons le moteur (nous nous méfions de tous ces objets flottants non identifiés) et affalons les voiles, nous passons la nuit immobiles en plein océan, on se croirait presque au mouillage, sans un bruit. Il faut quand même veiller car les cargos sont nombreux, nous en rencontrons un par jour en moyenne, par curiosité nous regardons leurs destinations et leurs pavillons sur l'écran de l'AIS. Nous révisons ainsi notre géographie. Beaucoup de cargos, tankers ou porte containers sous pavillons des Bahamas, mais aussi Italie, France (CMA-CGM), Malte, Angleterre, Iles Marshall, Hong Kong, Grèce, Norvège, Panama, Libéria. Leurs destinations sont variées, Colombie, Gibraltar, Houston, Dunkerque, Bahamas, Carthagène, Rotterdam, Veracruz...
Nous sommes sur une croisée de routes maritimes.
Au 14ème jour de traversée nous rencontrons une famille d'orques naines, le petit nage à côté de sa mère. Ils restent une demie heure à jouer avec le bateau, nous percevons leurs petits cris. Le mâle se place devant l'étrave comme pour nous indiquer le chemin....
Le lendemain, autre rencontre animale un peu moins attirante, les méduses vont animer nos journées par leur défilé spectaculaire. Elles appartiennent à l'espèce des physalies et sont dangereuses car elles provoquent des brûlures graves avec leurs tentacules (du coup, plus personne ne réclame de baignade !). Elles sont facilement reconnaissables car elles portent comme une "voile" qui ressemble a un flotteur translucide gonflé de couleur bleu rose et elles sont visibles par dizaines emportées par le courant océanique et les vents.
D'autres espèces d'oiseaux font leur apparition, dont un paille en queue qui cherche un endroit pour se poser le soir venu, en vain car nous n'avons pas de zone d'atterrissage assez dégagée pouvant le satisfaire, de ses cris stridents il fait savoir son mécontentement avant d'aller chercher refuge quelque part dans cette immensité désertique. Que font donc tous ces oiseaux si loin des terres ?
Nous ne nous lassons pas d'admirer les différentes nuances de couleurs du ciel, rouge feu certains soirs après le coucher du soleil et bleu pastel le lendemain au lever du jour. Nous avons souvent scruté l'horizon à la recherche du rayon vert au coucher du soleil, cela ne sera pas pour cette traversée.
Au 17ème jour de mer, autre découverte dont on aurait pu se passer, c'est le retour de l'humidité la nuit et le matin, grr... pas drôle, les grosses chaussettes et polaires oubliées depuis longtemps ressortent des placards.
Puis le vent forcit progressivement, 15 nœuds de l'arrière, puis le lendemain 20-25 nœuds avec des grosses vagues, ce qui nous permet de bien avancer. Ce sera l'unique journée "ventée" de la traversée puisque le vent retombe ensuite nous obligeant à refaire route au moteur.
Le dernier jour c'est un superbe thon qui mord à notre ligne de traîne, voici enfin du poisson frais pour plusieurs repas.
A 15 milles de l'arrivée, nous sommes escortés par 2 bancs de dauphins qui jouent avec le bateau et la vague d'étrave, l'un d'eux joueur ou espiègle vient percuter le chef de file qui chavire sous le choc, nous avons peur qu'il se fasse percuter par l'étrave, mais il se rétablit et reprend la nage en douces ondulations au sein du groupe. Quel accueil magnifique ! Cela égaye un peu cette journée toute triste car pour la première fois nous ne voyons pas le soleil dans ce ciel gris et ainsi nous ne distinguerons l'île de Faial qu'au dernier moment.
Et c'est parti pour les photos...
Et une partie de ce qu'on aurait aimé ne pas voir...
Les Saintes 2
Dimanche 12 avril
Départ de Malendure en direction des Saintes, à cause du relief le vent est instable en force et en direction, toutefois, passé la pointe du Vieux Fort nous ne regrettons pas d’avoir anticipé et fait le choix des 2 ris et trinquette car dans le canal, plus aucun obstacle ne retient le vent ni les vagues. Nous remontons au vent difficilement cherchant l’abri de Terre de Bas pensant trouver un vent plus calme et une mer plus plate mais il n’en sera rien. Finalement, c’est avec l’aide du moteur que nous remontons sur Terre de Haut en empruntant la passe du Pain de Sucre. Nous prenons une bouée à l’Anse Mire, pour une semaine, la haute saison s’achève et il y a beaucoup moins de bateaux que lors de notre premier passage.Nous grimpons jusqu’au Fort Napoléon dont les salles abritent un musée consacré aux batailles franco-anglaises, à l’histoire de ces barques de pêche "saintoises" traditionnelles, aux arts et traditions des Saintes avec de nombreuses photos anciennes.
La baie des Saintes